En cette saison où la nature semble mourir, parlons un peu de la mort, si vous le voulez bien.
Cette petite phrase d’introduction très prudente montre bien que c’est un sujet délicat. Délicat, car perçu très différemment par les uns et par les autres. Délicat, parce que la mort est très (trop) souvent éclipsée de notre société. Délicat, parce que si l’on n’est pas effondré par la mort d’un proche on est un monstre insensible. Délicat, parce que si l’on met (trop) longtemps à se remettre de la mort d’un proche on est débile. Délicat encore parce que tout un chacun sera un jour confronté à devoir faire un deuil et que tout un chacun vivra son deuil DIFFEREMMENT. Finalement délicat parcequ’ ainsi va la vie, et ainsi va la condition sine qua non de la vie…
Certains prendront 20 kilos après le décès d’un être cher “sans savoir pourquoi”.
Certains perdront 20 kilos “sans savoir pourquoi”.
Certains pleureront nuit et jour et ils sauront pourquoi… Mais ne seront pas forcément compris.
Les larmes sont les sparadraps de l’âme (ça c’est de moi)
Il n’y a pas de honte à éprouver de la tristesse lorsqu’on perd quelquechose. (quelquechose étant entendu au sens large, qui peut effectivement être un objet ou un être cher) Certains seront autant déprimé en perdant leur job que d’autre en perdant leur conjoint.
Incomparable me diront certains. Je suis d’accord, mais qu’est ce que ça change? Il n’y a malheureusement pas de recettes miracles, pas de juste, pas de faux. Chacun fera comme il peut, et certainement du mieux qu’il peut. Et savoir cela, permettra d’éviter bon nombre de maladresses, bon nombre de culpabilisations à ceux qui ne vivront pas directement le deuil.
Faire son deuil, qu’est-ce que cela veut dire? Je crois intimement qu’il y a autant de réponses qu’il y a d’individus. Et à vouloir tout quantifié, tout calibré, tout standardisé: on fait fausse route.
L’idéal serait de pouvoir faire des deuils progressivement: on perdrait son doudou, puis son hamster, puis son chien, puis son arrière grand-père… Et tout ces deuils surviendraient quand on est près. On y aurait été préparé en voyant, par exemple, que son hamster n’a plus la force de se nourir. On se dirait qu’on a bien joué avec lui, qu’on lui a apporté tous les soins dont il avait besoin et que voilà , à présent il peut mourir. Ce serait bien. Mais ce n’est pas souvent comme ça. La vie s’arrête parfois sans avertir, sans laisser le temps aux autres de se faire à l’idée. Du jour au lendemain, il faut faire sans.
On voit bien que c’est une question de temps et de manque. Le temps, une dimension essentielle dans le deuil. Le temps de s’y préparer, le temps d’accepter, le temps de faire au moins une fois ce qu’on avait l’habitude de faire avec cette personne, mais cette fois sans elle: les anniversaires, Noël… Le temps de s’habituer, le temps de se souvenir, le temps de s’adapter à ce changement, le temps de laisser le temps au temps…
Le temps s’est arrêté pour un de vos proche? Il s’arrête aussi pour ceux qui restent. Un court instant? Quelques jours? Quelques semaines? Plus? Difficile de le savoir à l’avance.
Par contre, connaître les étapes du deuil peut aider, aider soit à le vivre, soit à l’accompagner. Il y a, oui, des étapes dans un deuil, des étapes qui ne se vivent pas dans le même ordre pour tout le monde, des étapes qui se chevauchent, des étapes qui durent plus ou moins longtemps. Des étapes redoutées, des étapes agréables, des étapes qu’il faut franchir. Des étapes qu’il faut aider à franchir.
Lorsqu’un enfant est confronté à un deuil, il faut vraiment que nous, parents, soyions au point avec ce qui précède. Nous aurons probablement notre propre souffrance directement liée à la perte et une souffrance indirecte de voir notre enfant souffrir. Humainement, et c’est normal, nous cherchons à éviter la souffrance. Mais parfois notre stratégie d’évitement nous fait faire des choses insensées, comme ne pas annoncer une grave maladie d’un proche, dire à des enfants que leur mère, morte, dort. (Véridique) Ou qu’elle est partie en voyage et qu’elle reviendra. Inutile d’être à contrario de ces exemples en donnant dans la brutalité ou dans l’alarmisme inutile. Il peut être utile d’utiliser des images tel qu’un voyage, mais un dernier voyage et en aucun cas on parlera de retour éventuel, possible. Ce genre de paroles peu claires sont assassines. L’enfant ne peut pas commencer à faire son deuil. En voulant éviter une souffrance, on en crée de multiples autres. L’enfant n’est pas dupe: si maman est partie en voyage, pourquoi les autres ont l’air si tristes? L’enfant doit savoir, l’enfant doit pouvoir comprendre ce qu’il ressent, l’enfant doit pouvoir se faire des scénarios réalistes.
C’est notre devoir, c’est notre cadeau de l’accompagner dignement dans l’épreuve la plus douloureuse de sa vie. Il vaudra mieux tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire quelquechose à un enfant. Il vaudra mieux remplacer une parole maladroite par un geste affectueux, par un regard. Parler de la mort avec justesse et aisance, n’est souvent plus quelquechose d’inné. Si l’on ne peut pas toujours prévoir un décès, alors préparons le terrain. Délicatement. La graine que nous allons semer est précieuse. Le livre est un support magique: il aide à trouver les mots, il aide à aborder le sujet.
Endeuillés, nous sommes tous vulnérables, sans défenses, hyper sensibles, tout ce qu’on reçoit est comme démultiplié ou complètement embrumé. Très loin en tout cas de notre état normal. Ne l’oublions pas.
Et si on parlait de la mort un peu plus souvent?